Portrait : Les débuts de Jett Alexander dans la LNH l’ont placé sous les feux les plus brillants de la Soirée du hockey
Alors que son équipement de gardien de but est rangé à l'Université de Toronto (UT) et que la saison de hockey masculin de U SPORTS est dans le rétroviseur, Jett Alexander profite d'un samedi après-midi anodin pour étudier en vue des examens à venir. Tout à coup, alors qu'il est assis dans son salon afin de réviser ses notes, le téléphone de Jett Alexander sonne.
Le nom de Brandon Pridham, directeur général adjoint des Maple Leafs de Toronto, apparait à l’écran sur son téléphone. Pridham décroche et entend la voix au bout du fil, son visage rougit instantanément. Son coeur se serre dès que Pridham prononce ces premiers mots.
« Il m’a appelé et m’a dit, ‘ce soir, tu seras un joueur de la LNH’, raconte Alexandre. Mon coeur battait probablement à 160 battements-minute assis là à ne rien faire. »
Le visage d'Alexandre devint rouge alors qu’il s'enfonça dans son sofa. Sa tête reposait sur l'accoudoir, ses pieds sur le haut du dossier de son canapé, tandis qu'il regardait par la fenêtre de son salon. Ses yeux rivés sur l'immeuble situé en face de son appartement du centre-ville de Toronto, alors qu'il essaie de digérer les paroles de Pridham.
« C'était complètement incroyable, a déclaré Alexander. C'était comme s’il fallait que je me rappelle : ‘Oh mon Dieu, je dois écouter parce que je vais oublier ce que je dois faire si je ne l'écoute pas maintenant, et je ne veux pas avoir à demander à nouveau plus tard’. »
Les documents d’admissibilité, les contrats, les heures d’arrivées et d’autres informations sont ce que Alexander a été en mesure d’absorber de son appel avec Pridham.
À la demande du directeur général adjoint des Maple Leafs, il a gardé la nouvelle discrète, ne l'annonçant qu'à ses proches. Alexander a d'abord appelé ses parents séparément, qui vivent ensemble sur une ferme située à deux heures de route, dans le comté de Prince Edward, en Ontario. L'annonce a été suivie d'une longue série de questions.
« Mes parents m’ont dit, ‘Qu’est-ce que tu veux dire? Tu joues dans un match de la LNH ?’ » a dit Alexander.
Ensuite, il a appelé sa conjointe, Kelsey DeMelo. DeMelo avait une approche beaucoup plus mesurée. Alexander a mentionné la possibilité de passer la partie sur le banc des Maple Leafs, mais elle avait déjà entendu cette histoire auparavant. Cependant, son approche aisée s’est rapidement transformée en fin d’après-midi samedi. De retour dans leur appartement, Alexander s’est approché de sa conjointe habitée d’un sentiment de vertige.
« Kels, ils vont faire un chandail avec mon nom dessus, a dit Alexander. C’est vraiment en train d’arriver. »
Dans l’engouement, DeMelo a appelé son père, Paul.
« J’ai appelé mon père et il est sans doute le plus grand partisan des Leafs au monde, a dit DeMelo. Mon père était tellement emballé. Il a donc acheté des billets pour toute la famille, à la toute dernière minute, et nous sommes tous allés voir le match. »
Alexander et DeMelo se sont rendus au match séparément. Il s’est rendu à l’aréna de son université, a récupéré son équipement et s’est rendu au Scotiabank Arena. Par contre, Alexander est bien heureux d’avoir pris la voiture de DeMelo, puisque son camion n’aurait pas pu entrer dans le stationnement souterrain des Maple Leafs.
Un responsable de l’équipement est allé à la rencontre d’Alexander dans le stationnement, l’a aidé à porter son équipement en plus de le diriger dans les profondeurs du Scotiabank Arena, les raccourcis et jusqu’au vestiaire des Maple Leafs.
« Ça m'a aidé à prendre mon aise, a déclaré Alexander. C'est un traitement de première classe et cela vous montre que les gens sont conscients et font un effort pour vous faciliter la vie et vous accueillir, mais c'est certainement un peu différent de l'expérience normale d'un gardien de but d'urgence. Quand je suis dans les estrades, je laisse toujours mon équipement dans la voiture. »
En arrivant au Scotiabank Arena, Alexander était moins nerveux à l'idée de servir d’occuper le poste de gardien d’urgence. Il l'avait déjà fait la saison dernière avec l'Avalanche du Colorado. L'Avalanche, en visite à Toronto, avait besoin d'un gardien de but pour remplacer celui que la formation avait rappelé de la Ligue américaine de hockey (LAH), ce dernier étant toujours en route pour l'aréna. Alexander avait alors reçu un appel de Pridham, avait signé un contrat d’essai amateur et avait été l'avant-dernier à quitter la patinoire dans la séance d’entraînement d'avant-match, laissant à Nathan MacKinnon l’honneur d’être le dernier à quitter la glace.
En raison des protocoles reliés à la COVID-19, Alexander est resté assis à dans l’entre du Scotiabank Arena, écoutant les acclamations de la foule, les coups de bâtons et de patins depuis le tunnel de l'équipe visiteuse. Il y est resté jusqu'à l'arrivée de Justus Annunen, qui l'a relevé de ses fonctions et l'a laissé rejoindre sa conjointe dans les tribunes.
Les Maple Leafs, qui font face à des complications financières en lien avec le plafond salarial, ne pouvaient pas compter sur les services de Matt Murray en raison d’une blessure et n’avaient pas les moyens de rappeler le gardien Joseph Woll des Marlies de Toronto, leur club-école. Grâce à la connexion entre l’UT et les Maple Leafs, Pridham a rejoint Alexander, lui donnant une chance de venir servir à titre de remplaçant pour Ilya Samsonov, le gardien partant des Maple Leafs, pour leur dernière rencontre à domicile de l’année.
Alexander a ainsi pu pénétrer dans le vestiaire des Maple Leafs et s'imprégner de l'ambiance sonore et visuelle de son équipe favorite.
Les joueurs, le personnel d’entraîneurs et les nutritionnistes l’ont tous rencontré, ont serré sa main et ont échangé avec le gardien ébahi. Sheldon Keefe, entraîneur-chef des Maple Leafs, lui a dit de profiter du moment.
Tout le monde a fait un effort, montrant qu'il se souciait d'Alexander, ce qui lui a permis de s'intégrer dans cet environnement anxiogène. Bien qu'il ait été plongé dans cette situation insensée et qu'il ait apprécié leur hospitalité, l'objectif d'Alexander était d'être une ombre sur le mur, d'éviter d’être dans les jambes de qui que ce soit et d'être aussi peu distrayant que possible.
Alexander se sentait comme un enfant dans le vestiaire. Au beau milieu des préparations et de la période de concentration avant les échauffements, il a pu voir les Maple Leafs se livrer à des rituels d'avant-match, à des plaisanteries en plus d’observer d'autres nuances subtiles.
« Je pense que le fait de voir cela m'a un peu rassuré, a déclaré Alexander. Ils sont comme nous, comme les enfants. Ils sont juste payés très cher pour le faire. »
DeMelo a regardé Alexander faire son entrée sur la glace pendant les échauffements d'avant-match avant de se rendre à son siège dans les hauteurs de l’aréna. Elle a vu les Maple Leafs prendre une avance de 4 à 1 au début de la deuxième période, et elle a vu son conjoint entrer dans la rencontre à la moitié du match, alors que la formation craignait une blessure pour le gardien partant.
Le silence s'est abattu sur les spectateurs du Scotiabank Arena à mi-chemin en deuxième période, alors que Samsonov a semblé subir une entorse alors que les séries éliminatoires s’amorçaient dans un peu plus d'une semaine. Il s'est agenouillé sur la glace, penché vers l’avant, avant de se relever lentement. Alors que les partisans avaient peur pour leur gardien, Alexander, assis sur le banc, s'est rendu compte qu'il pourrait s’amener dans le match.
« J’étais nerveuse parce que c’est arrivé assez tôt dans la rencontre, a dit DeMelo. Je savais que ce n’était pas un match très important, ils étaient déjà qualifiés pour les séries, mais s’il devait s’amener dans le match, je voulais qu’il connaisse du succès. Je voulais qu’il fasse ses débuts, mais pas aussitôt puisque ça avait l’air assez intense et inquiétant. »
Sur le banc, Alexander se rappelle que Zach Aston-Reese s’est tourné vers lui avec un conseil à offrir.
« Il m'a regardé et m'a dit quelque chose du genre : ‘Tiens-toi prêt et tout ira bien si tu dois entrer’, se souvient M. Alexander. Je ne dirai pas exactement ce que j'ai dit, mais il y a un GIF amusant de ma réaction. C'était du genre ‘Vous pouvez imaginer?’, avec un peu plus de jurons. »
Un temps d’arrêt télévisé a suivi la séquence et Samsonov a patiné jusqu'au banc des Leafs pour parler avec un entraîneur. Alexander, assis à proximité, a pu entendre leur conversation. Il a fait un suivi avec Samsonov, qui a admis qu'il était un peu endolori. Toutefois, comme il l'a dit aux médias après le match, ‘Sammy ne craque jamais’. Et Sammy a tenu bon.
Alors qu'il restait 1:10 à jouer en troisième période et que les Maple Leafs détenaient une avance dominante de 7-1 sur les Canadiens de Montréal, Keefe a informé Alexander qu'il allait faire ses débuts dans la rencontre.
Sans avoir le temps de réfléchir à sa réponse, il a sauté par-dessus le banc, a échangé une accolade avec Samsonov et a commencé à récupérer son équipement. Tout s'est passé si vite qu'il n'a pas eu le temps de s'inquiéter.
« J'ai été jeté dans la mêlée, a déclaré Alexander. Il [Keefe] me l'a dit, et 20 secondes plus tard, la rondelle était remise en jeu dans notre zone. C'était un peu un baptême de feu, et c'était certainement la meilleure façon de faire. Rien n'aurait pu me préparer à ça. »
Dans l'avant-dernière rangée des sièges du niveau 300, DeMelo et toute sa famille hurlaient de joie. Son père, dont le chandail des Maple Leafs était recouvert d'un manteau de sport bleu, dansait et encourageait les supporters aux alentours, y compris les partisans des Canadiens, à danser avec lui, tandis que DeMelo, au bord des larmes, regardait Alexander boire une dernière gorgée d'eau, prendre son bâton de gardien de but des mains de l'entraîneur et patiner jusqu'à la zone des Maple Leafs, qu'il allait dominer pendant les 70 secondes suivantes.
« Mon père a toujours dit en plaisantant que c'était son rêve qu'une de mes filles épouse un joueur des Leafs, car il est un grand partisan des Leafs, a déclaré DeMelo. Mon père aime Jett de toute façon, mais c'était l'expérience la plus folle pour lui. Je ne l'ai jamais vu aussi heureux pour quoi que ce soit. »
Les gens ont regardé autour d'eux et l'ont vue débordante d'émotions. Ils lui ont demandé si elle le connaissait et elle a répondu fièrement : « C'est mon conjoint ». La mer de bleu et rouge s'est jointe à elle pour acclamer son conjoint, 18 000 personnes célébrant un seul homme.
Les projecteurs de la Soirée du hockey ont illuminé Alexander. Les gens semblaient s'empiler les uns sur les autres, les yeux rivés sur le gardien remplaçant qui touchait la glace de la LNH pour la première fois. Il a reçu une ovation et des applaudissements à chaque foulée, mais Alexander ne l'a pas remarqué. Il a momentanément eu l’impression de perdre conscience, concentrant ses brefs instants de lucidité sur le fait de ne pas trébucher en se dirigeant vers le filet des Maple Leafs.
Il s'est approché de la surface bleue, prenant le temps d’apprécier ses alentours, les images et les sons avec une teinte de nervosité. Il remarqua à quel point la couleur bleue recouvrait la surface, à quel point il se sentait petit face aux supporters du niveau 300 qui lui donnaient l'impression de trôner au-dessus de lui, à quel point les bandes étaient neuves, contrastant avec l'aspect rustique et plein de caractère de la Varsity Arena, et à quel point la baie vitrée qui le séparait des supporters en délire était propre.
« Ils sont juste là, » a dit Alexander.
Avec une avance de 7 à 1, une place en séries éliminatoires déjà assurée et 70 secondes à jouer, il s’est rendu compte qu'aucun partisan dans l’aréna ne serait contrarié si les Canadiens le battaient, mais son esprit de compétiteur lui fait oublier ces pensées.
Une fois la rondelle en jeu, il était officiellement un gardien de la LNH.
« Une fois la rondelle en jeu et je me suis dit : ‘D'accord, tu as déjà fait ça avant’, a déclaré Alexander. C'est évidemment un niveau très différent, mais on peut faire semblant pendant une minute et 10 secondes. »
Aston-Reese, Wayne Simmonds, David Kampf, Luke Schenn et Erik Gustaffson étaient les cinq chandails bleus sur la glace pour la première présence officielle d'Alexander. Les Canadiens ont remporté la mise au jeu et Jesse Ylönen y est allé d’un tir vif tir balayé, ratant le filet de peu, ce qui a permis au gardien de s’ajuster.
Michael Markovic, l'un des arbitres de la rencontre et un ancien joueur de hockey masculin avec l'Université de Toronto, s'est approché d'Alexander entre deux coups de sifflet.
« D'un ancien étudiant de l'université de Toronto à un autre, c'est vraiment génial, a dit ce dernier à Alexander. Je suis très heureux pour toi. »
Le rencontre s'est terminé quand Alexander Kerfoot a maintenu la rondelle contre la bande à la droite d'Alexander, écoulant ainsi les dernières secondes du match. La sirène des Maple Leafs a retenti, la chanson
« Right Back Where We Started From » de Maxine Nightingale a résonné dans les haut-parleurs du Scotiabank Arena et, aussi vite qu'ils s’étaient amorcés, les débuts d'Alexander dans la LNH se sont terminés.
Si on lui en donnait l'occasion, Alexander laisserait tout tomber et recommencerait, mais si ça devait être la fin de l’histoire pour lui, aux yeux de DeMelo, ça n'aurait pas pu mieux se passer.
« J'aurais aimé qu'il ait un peu plus de temps, mais je pense que sa carrière dans la LNH a été parfaite. »